Le 25 janvier, nous sommes partis 3 jours à la rencontre des éléments dans la majestueuse vallée de la Clarée. Un séjour au paradis blanc pour s’aguerrir en survie hivernale !
Apprendre à passer une nuit en montagne l’hiver
Au programme de cette échappée : randonnée en raquettes, nuit en refuge non gardé, cours de nivologie, construction et nuit en igloo, fondue au coin du feu par -20°C, et bien sûr vin chaud et génépi pour réchauffer le gosier ! En somme, un concentré d’aventure, de nature, de rires, de précieux savoirs montagnards et de délicieux produits locaux et bio.
C’est l’inspirant Tanguy Trompette, accompagnateur en montagne et fondateur de Terres de Trek, qui nous a embarqués dans cette découverte de la vallée. Un accompagnateur passionné qui s’est donné comme mission de vie de reconnecter l’homme à la nature. Pari gagné, le tout presque sans polluer !


Premier jour : passer la nuit dans un refuge d’hiver
Notre rendez-vous avec Tanguy est fixé à 14h à Briançon. Tout ne commence pas comme prévu puisque je suis bloqué par le vent et la neige à La Grave, de l’autre côté du col du Lautaret. Louise, elle, arrive directement de Marseille en train. Un voyage de 4 heures à travers de magnifiques paysages provençaux et des vallées enneigées. À 15h, le col finit par ouvrir et je les rejoins finalement à 17h. On monte dans le camion de Tanguy, direction Névache. Il est 18h et la nuit tombe lorsque l’on quitte le parking avec nos gros sacs sur le dos.
L’aventure commence ! C’est parti pour deux jours et deux nuits au paradis, entre froid et neige. Le thermomètre devrait descendre jusqu’à -20°C.
Le contenu du sac de randonnée
Les sacs sont lourds pour cette première montée : sac de couchage confort -15C, moufles, matelas gonflables, thermos, vivres diverses, réchaud, gamelles, doudoune d’expédition, chaussettes en laine à bouclettes, matériel de sécurité (DVA, pelle, sonde), plusieurs paires de gants, frontale, et enfin raquettes attachées au sac. Tanguy nous a bien briefés et équipés.
La montée au refuge
Ce soir, l’objectif c’est le refuge Ricou, à deux bonnes heures de marche. Pas besoin des frontales car la lune éclaire et se reflète sur le manteau de neige. L’ambiance est presque mystique. Le sac est lourd et je subis la fatigue accumulée après 3 jours de ski de randonnée. Normalement Tanguy emprunte un petit sentier au départ de Névache, mais à cette heure tardive, on décide de rester sur la piste principale jusqu’à l’Auberge de la Fruitière à Foncouverte. 1h30 de marche nous en sépare. Les raquettes ne sont pas encore nécessaires, la neige étant suffisamment compacte. Au bout de 15 minutes, jaillit un faisceau lumineux sur le chemin. C’est la motoneige du gardien du refuge du Buffère. Derrière lui, ses enfants nous saluent. Pour eux, c’est le retour de l’école ! Une autre vie.

Une fois la Fruitière atteinte, on bifurque alors à droite sur un petit sentier dissimulé dans la neige fraîche. Raquettes obligatoires ! Ça grimpe. 40 minutes plus tard, on aperçoit le refuge Ricou. Malgré le poids du sac, cette progression au clair de lune, les raquettes s’enfonçant légèrement dans une neige abondante, fait partie de ces moments hors du temps que l’on ne vit que rarement. Quelle magie !
Le refuge d’hiver
Nous arrivons au refuge à 21h. Il est composé de plusieurs petits chalets, l’un d’eux est allumé. D’après Tanguy, ce doit être le gardien. Nous entrons dans le refuge dit d’hiver, qui n’est pas gardé. En ouvrant la porte, surprise, il y a déjà quelqu’un. On rencontre alors Chris, jeune papa parisien venu seul vivre quelques frissons d’aventure le temps d’un long week-end. Il a déjà allumé le poêle. L’endroit est charmant. En bas, 3 grandes tables conviviales, un étendoir, un poêle, un évier, de la vaisselle et quelques vivres de secours. En haut, sous le toit, des matelas, des couvertures et des oreillers. L’endroit est simple mais tellement chaleureux. Pour nous, c’est 5 étoiles ! On s’y sent bien, on ne manque de rien.

On prépare le dîner. Au menu du soir : dahl aux lentilles corail et riz, accompagné d’un peu de fromage et de saucisson. On refait le monde tous les quatre autour du poêle. C’est aussi l’occasion de faire connaissance. Tanguy s’avère être diplômé de la même école d’ingénieur que moi, petit monde ! Après plusieurs années dans le BTP, il a tout quitté pour s’installer dans le Briançonnais et devenir accompagnateur en moyenne montagne. Engagé écologiquement, amoureux de la nature et de ses habitants, il vit sobrement et consomme local, zéro déchet et de saison. Les atomes crochus sont là. Après le dîner, place à l’étude de la carte pour planifier la journée du lendemain. On se met ensuite très vite au lit, le sommeil a raison de notre veillée. Là-haut, emmitouflés dans nos duvets, le poêle continuant à nous réchauffer, les rêves peuvent s’inviter.

Deuxième jour : apprendre à construire un igloo
Le lendemain, on se réveille en douceur. Il est 7h30. La nuit fut réparatrice après la journée intense de la veille. Dehors le ciel est bleu. Le chien du gardien vient nous faire la fête. Le vent souffle, c’est vivifiant ! -15°C, Il va falloir s’emmitoufler. Tanguy nous explique les choses à faire : couper et remettre le nombre de bûches que l’on a consommé, retirer les cendres du poêle, passer un coup de balai, enfin bien fermer la porte. On se met en action.

Faire la trace en raquettes
Ce rituel terminé, on chausse les raquettes, direction le lac Laramon à 1 heure de marche. On ne prend pas l’itinéraire classique, histoire d’apprendre à faire notre propre trace. Le temps est incroyable malgré le froid et le vent qui souffle fort. On découvre avec émerveillement toute la splendeur de cette vallée enneigée. La poudreuse est légère et profonde, c’est Tanguy qui fait la trace. Au bout d’un moment, je prends le relai. En à peine deux mètres je comprends l’effort supplémentaire que cela demande de guider. Je m’enfonce jusqu’aux genoux, même avec les raquettes.

Préparer un abri de secours pour la nuit
En chemin, on s’arrête au niveau d’une congère, une accumulation de neige due au vent. Tanguy nous propose d’y construire un abri de secours, à savoir un simple trou qui permet de passer la nuit en sécurité en cas, par exemple, de tempête de neige. Un exercice bien connu des chasseurs alpins. La première étape consiste à sonder la neige pour voir si c’est assez épais. Si tel est le cas, on commence par préparer une petite plateforme pour les pieds, ce qui permet d’évoluer sur une surface compacte sans s’enfoncer. Une personne creuse pendant que les autres déblayent la neige devant le trou. En seulement 30 minutes on creuse un trou de 2 mètres de profondeur et de 1 mètre de diamètre. On s’y glisse à deux avec Tanguy. C’est spartiate mais on tient allongé, ce qui suffit pour s’abriter pendant une nuit. Option peu confortable, mais salvatrice en cas de problème ou face à des intempéries. L’exercice est fort utile et passionnant !


En raquette vers le lac Laramon
Il est 12h30 lorsque l’on reprend la montée direction le lac Laramon. Tanguy nous explique qu’il faut privilégier les pentes à moins de 30° pour randonner en sécurité. En effet, les avalanches se déclenchent très rarement dans ces pentes car l’inclinaison est trop faible.
On progresse à notre rythme. Le vent souffle fort et le froid est mordant, l’ambiance est polaire ! J’ai le sourire aux lèvres, bien que légèrement gercées. Au bout d’un moment, le lac apparaît devant nous. Cette grande étendue plane, mélange de neige et de glace, est soufflée par le vent et dominée par une série de crêtes et sommets. On se met alors en quête d’une deuxième congère, cette fois pour construire notre igloo qui nous accueillera pour la nuit !



Construction de l’igloo : sonder, tasser, pelleter, creuser
Nous sondons une première congère mais celle-ci n’est pas assez profonde. On traverse alors le lac, une autre congère en ligne de mire. La glace craque et siffle sous les crampons de nos raquettes, quelle sensation ! Une fois la congère atteinte, Tanguy sort sa sonde d’avalanche et l’enfonce. Elle disparaît entièrement dans la neige, 2m40 d’épaisseur au moins. Le voilà, notre paradis !
Le rituel commence : on crée d’abord une plateforme avec nos raquettes, on sort nos pelles, on enfile une autre paire de gants pour la construction de l’igloo et un sur-pantalon. Ceci nous évitera de tremper les affaires qui nous serviront pendant la nuit ou le lendemain, car rien ne peut sécher avec ce froid. Nous commençons à creuser.

C’est parti pour 3 heures de coups de pelle. La quantité de neige que l’on retire est impressionnante. Le vent souffle et balaye la neige mais on est à l’abri dans notre congère. On creuse une première cavité qui fera une sorte de hall d’accueil. On utilise la neige déblayée pour ériger un mur devant l’entrée, ce qui nous protégera du froid si le vent venait à tourner la nuit. La vue sur le lac et les montagnes environnantes est sublime, je ne m’en lasse pas. Un regard contemplatif s’impose entre chaque pelletée.
La neige devenant trop dure au fond, on décide de bifurquer le tunnel vers la droite. Tanguy m’explique que pour garantir la solidité de l’édifice, il faut s’assurer d’avoir toujours une paroi d’au moins 40 centimètres d’épaisseur. Pour cela, il suffit d’enfoncer nos sondes de 40 centimètres et à différents endroits depuis l’extérieur de l’igloo. Si l’on touche le bout des sondes en creusant dans la neige, c’est qu’on est à la limite de cette épaisseur. L’igloo avance bien. Après deux mètres de tunnel je commence à creuser vers le haut pour façonner la cavité.

Pour éviter d’être trop humide, on creuse allongé ou assis sur un bout de tapis de sol que Tanguy a apporté. L’effort est intense car il faut déblayer tout ce qui a été creusé. On se relaie aux différents postes. Galvanisé, j’attaque énergétiquement la cavité. L’igloo prend forme. Tanguy, me voyant super motivé, part avec Louise faire la corvée de bois de l’autre côté du lac. On y aperçoit quelques mélèzes qui promettent du bois mort. Ce soir au programme : soirée au coin du feu et fondue savoyarde à la belle étoile. J’en salive déjà.

Les finitions et l’installation des couchettes
Je creuse tellement que je finis par pouvoir me tenir debout dans l’igloo les deux bras en l’air ! Demande-moi un igloo, je te bâtirais une cathédrale ! De retour, Tanguy vient m’aider à faire les finitions.
Pour s’assurer d’avoir le plus chaud (ou le moins froid !) possible et éviter que les murs ne gouttent pendant la nuit, il m’explique les règles à respecter. L’igloo doit comporter deux niveaux : un niveau inférieur, le sol, où l’on posera nos pieds et un autre niveau, environ 40 cm plus haut, où l’on installera nos lits. En effet, la chaleur remonte depuis le sol, donc plus on dort haut, plus on aura chaud. Une fois la forme finale obtenue, il faut bien penser à lisser le plafond de l’igloo avec une pelle pour que les gouttes de la neige qui fond pendant la nuit ne tombent pas sur nous mais descendent jusqu’au sol.

Une fois l’agencement de notre igloo 5 étoiles terminé, j’installe une grande bâche de trois mètres par deux qui sert de socle sur lequel on peut installer nos matelas. Une couverture de survie ferait très bien aussi l’affaire. L’idée est de s’isoler de la neige autant que possible.

Un repas dehors, un feu de camp sous la pleine lune
Dehors, Louise et Tanguy préparent le feu de camp et la fondue savoyarde. Le fromage commence à fondre dans la casserole posée sur le réchaud. Le feu, lui, crépite, alors que la pleine lune s’invite à notre soirée. On est seuls au monde, perdus en pleine montagne, le temps semble suspendu. Tanguy taille des piques à fondue dans des branches de mélèze, vive le système D et le zéro déchet ! C’est parti pour une délicieuse fondue au clair de lune. Le fromage vient de la vallée, le pain au petit épeautre aussi, et l’appétit, d’ailleurs et d’ici !

La nuit dans l’igloo
Repu, on s’installe dans notre igloo. Dehors il fait -20°C, dedans 0°C ! Louise ressent une légère claustrophobie au moment de rentrer dans l’igloo mais Tanguy la rassure : le risque d’écroulement est quasiment nul, celui-ci existe seulement lorsqu’il y a un gros redoux en pleine nuit. On se change, pas la partie la plus facile avec la fatigue et le froid. Puis on se glisse dans nos duvets. On ajoute deux bougies à l’entrée, car c’est un igloo sophistiqué !
Tanguy nous explique que les affaires humides et utiles pour le lendemain doivent impérativement être gardées à la chaleur humaine pour éviter de geler. Une bonne manière est de les glisser entre son matelas et son duvet, voire carrément dans son duvet pour les affaires pas trop humides. À 21h, on éteint les feux, on entame notre première nuit en igloo ! Jeu d’enfant.

Troisième jour : retour en vallée
Réveil dans l’igloo
Je me réveille régulièrement malgré une nuit correcte. Il est 7h lorsque l’on émerge vraiment. On l’a fait ! Quelle magie ! C’est l’heure du petit déjeuner, à l’intérieur cette fois. Au menu, flocons d’avoine, quelques biscuits et du thé. Petits yeux et sourires jusqu’aux oreilles. On finit par sortir de notre igloo, la vue est à couper le souffle ! Le silence est roi. Je veux être nulle part ailleurs.
On sort les affaires de l’igloo, on recouvre les cendres du feu et on fait nos sacs. 9 heures, il est temps de quitter notre cocon, le cœur serré.
Descente sous la neige
Le temps est couvert, il se met à neiger. Tanguy nous fait prendre un nouvel itinéraire pour rejoindre le chemin qui mène à la vallée.

Dans la descente, il nous montre des traces d’animaux que l’on doit deviner : loup, renard, chamois… j’ai tout faux, on est là face à un lièvre, puis un écureuil. C’est fascinant. Petite course avec Tanguy à qui arrivera le premier, puis travaux pratiques de calcul du degré d’une pente à l’aide de de nos bâtons de marche. On vit l’instant présent, loin de nos smartphones. Une thérapie.

Névache
De retour au niveau de la Fruitière de Névache, à Fontcouverte, on s’engage sur le sentier que l’on aurait dû suivre le premier jour, le long de la douce Clarée. On s’arrête au niveau d’une cascade presque invisible car entièrement recouverte de glace et de neige. Il est temps de rentrer à Névache. À 13h, on atteint la boulangerie du Cristol sur la place du village. On se délecte du cake aux herbes de montagne (les chénopodes me rappellent ma traversée des Alpes l’été dernier) et de leurs délicieux cookies — ma foi, bien mérités. À l’extérieur, dans un chaudron, du vin chaud est en préparation pour le service de 16h30 tous les jours. Nous quittons Névache en début d’après-midi : retour à Briançon. On remercie chaleureusement Tanguy.
Quelle parenthèse enchantée ! Quelle magie ! Vivement la prochaine aventure enneigée !

À propos de l’auteur
Benjamin de Molliens a démarré fin mai 2020 le projet Expédition Zéro, une série de d’aventures sportives itinérantes qui suivent 3 règles autant que possible : Zéro Émission carbone, Zéro Déchet et Zéro Matériel neuf. Le tout en s’amusant ! Après 3 expéditions en 2020, une en vélo entre Bretagne et Normandie, une en randonnée à travers les Alpes françaises, enfin une en Stand Up Paddle le long du Canal du midi, Benjamin prépare actuellement une quatrième aventure : la grande traversée du Jura en ski-pulka. En novembre, lors du 2ème confinement, Benjamin a également lancé le défi éco-citoyen #nettoietonkm. Celui-ci est devenu viral et très médiatisé.
Faire un stage de survie dans les montagnes de la Clarée
Vous êtes à la recherche de nouvelles sensations à vivre au cœur des montagnes des Hautes-Alpes ? Vous souhaitez changer des activités hivernales que vous pratiquez tous les ans ? Lors du stage de survie d’hiver, vous apprendrez à passer une nuit en montagne en hiver, à l’abri des intempéries. L’occasion rêvée pour sortir de sa zone de confort et se confronter aux épreuves que réserve le froid et l’altitude !

Apprendre à survivre en montagne l’hiver …
Ce stage vous permettra d’apprendre les principes de base de la survie en montagne, de quoi être plus serein lors de vos sorties futures ! Comment s’orienter grâce aux éléments qui vous entourent ? Comment bien se nourrir et s’hydrater pour économiser ses ressources en énergie ? Quelles sont les meilleures techniques pour se réchauffer et ainsi éviter l’hypothermie ? Quels sont les principaux dangers et comment s’en protéger ? Comment construire un abri de neige et passer la nuit dans les meilleures conditions ? Comment trouver du bois sans abîmer les arbres et faire un feu de camp l’hiver ?

… dans le cadre magnifique de la vallée de la Clarée
Vous pouvez faire ce stage de survie dans la vallée de la Clarée de décembre à la mi-avril. Le cadre séduisant et préservé de la Clarée est idéal pour ce type d’activité. La nature prédomine dans cette vallée, qui regorge de paysages merveilleux bien plus que de présence humaine. En Clarée, on coupe facilement avec le rythme du quotidien. Faites-le avec un proche ou même en famille. Car oui, cette activité est aussi adaptée aux familles, c’est avant tout un stage d’apprentissage. En famille, vous camperez près d’un des nombreux refuges de La Clarée pour que les plus jeunes puissent dormir dans une cabane. Tanguy de Terre de Trek se fera un plaisir de vous initier à la survie en montagne dans une ambiance conviviale et un but éducatif.