À l’approche des glaciers avec Anne Zanolin, accompagnatrice en montagne

Aujourd’hui, je pars à la rencontre de la haute montagne avec la découverte du domaine des téléphériques des glaciers de la Meije. Le sac à dos est prêt, la gourde d’eau remplie, les chaussures de randonnées aux pieds et les bâtons en mains, j’attends mon covoiturage direction La Grave-La Meije. Nous sommes un groupe d’une dizaine de personnes venu participer à une randonnée scientifique animée par Anne Zanolin, accompagnatrice en montagne. 

L’approche d’Anne lors de cette randonnée est de nous partager ses connaissances et sa passion pour l’histoire des glaciers, mais aussi ses connaissances sur la géologie de la région. Nous apprendrons la lecture de paysage pour ainsi imaginer le passé et comprendre le présent. 

Le programme du jour est d’emprunter les télécabines jusqu’au 2ème tronçon, avec une arrivée près du glacier de la Girose à 3200m d’altitude. Une première lecture du paysage se fait avec la visite de la grotte de glace. Puis nous retournerons à 2400m pour une nouvelle lecture du paysage environnant et une petite balade jusqu’au lac de Puy Vachier au pied du refuge Chancel.

  1. La rencontre avec le glacier de la Girose
  2. Visite de la grotte de glace
  3. La fragilité des espaces naturelles
    1. Lecture de paysage 
    2. Le chevauchement de la Meije
    3. Les lacs d’altitude 

La rencontre avec le glacier de la Girose

C’est la première fois que j’emprunte le téléphérique de La Grave, et c’est avec un air contemplatif que j’observe le paysage et les reliefs. J’aborde l’altitude avec la pensée que nous sommes si petits et fragiles face à ces puissantes montagnes qui nous entourent. Je perçois aussi l’importance de préserver ce paysage, nous sommes un tout et nos actions de préservation sont nécessaires.

Pendant la montée, c’est l’occasion de faire connaissance. Anne en profite pour nous partager une première notion de glaciologie : « Lorsque le glacier avance, il broie et arrache les supports, par dessous et sur les côtés, il agit comme un bulldozer. Et quand le glacier se retire, ces matériaux restent à la circonférence de celui-ci. Ce qu’il reste s’appelle une moraine. Dans cette moraine, on retrouve des particules très fines mais aussi de gros blocs. » Arrivée à 3200 mètres d’altitude, l’impression de petitesse est forte. Le glacier de la Girose nous fait face. Le nombre de fois où j’ai eu la chance de m’approcher aussi près d’un glacier se compte sur les doigts d’une main, et c’est avec une grande émotion que je le découvre. Je prends le temps de contempler cette étendue blanche, bleue et parfois noire. Se retrouver à nouveau les pieds dans la neige, à quelques mètres du glacier, c’est un moment qu’on garde gravé dans sa mémoire. 

Visite de la grotte de glace

La visite de la grotte de glace est une découverte surprenante. Celle-ci est creusée dans le glacier lui-même. De nombreuses sculptures de glace sont présentes et sont d’une grande finition. Chamois, aigle, abeille, ruche, pieuvre… on retrouve un thème commun, celui des animaux peuplant la terre. Sa construction remonte dans les années 90 et depuis, elle a bien évolué. Elle fut reconstruite à la suite de l’avancée du glacier, puis agrandie, avec l’ajout de nouvelles sculptures. Bruno Gardent a énormément contribué à la dernière exposition de 2023 sur le thème marin. À l’intérieur, nous découvrons des phénomènes physiques fascinants dont Anne ne manque pas de nous en donner l’explication. On remarque ensemble la formation de cristaux près de l’entrée qui est au final du givre de surface dû à un phénomène de sublimation, qui signifie un passage direct de l’état gazeux à l’état solide. Nous observons également des différences de couleurs dans la glace, comme les traces du sable du Sahara, des dépôts de schiste ou encore des stries noires dans la glace qui sont la preuve du mouvement du glacier. Nous retournons ensuite près de la gare du téléphérique pour une première observation du glacier. Anne reprend avec nous l’histoire de leur création, et nous donne ainsi tous les éléments, tout ce qui compose le glacier : sérac, rimaye, crevasse… Nous pouvons maintenant lire le paysage et le comprendre. Avant de reprendre le téléphérique, nous prenons le temps de contempler les versants autour de La Grave et de se focaliser sur la géomorphologie, l’étude de la forme des paysages et leur évolution, pour ainsi les comparer entre eux.

La fragilité des espaces naturelles

Lecture de paysage 

La météo est capricieuse en montagne et change rapidement, c’est l’heure de la pause déjeuner, nous redescendons à 2400m. C’est un moment convivial où nous échangeons tous ensemble sur nos divers horizons. C’est l’occasion aussi d’en apprendre davantage sur le parcours d’Anne. Née en banlieue parisienne, elle ne tenait pas en place, elle a commencé le ski très jeune et se voyait vivre à la montagne. Elle a fait ses études entre Paris et Grenoble, naturellement orientée vers la montagne, elle s’intéresse à la géologie, l’hydrogéologie, la géophysique et la géosciences de l’environnement. En parallèle de son doctorat en géosciences de l’environnement, elle passe son diplôme d’accompagnateur en montagne, à l’âge de 30 ans. 

Après le repas, nous observons des archives emmenées par Anne, d’anciennes photos et cartes postales, dont une qui datait de juillet 1914. Sur celle-ci, on peut observer un groupe de personnes marchant sur le glacier accompagné de mules au même endroit où nous nous trouvons. C’est à ce moment qu’on peut se rendre compte de l’évolution. Nous abordons quelques instants le sujet de l’évolution du climat. Elle nous rappelle qu’auparavant il y a déjà eu des périodes chaudes et des refroidissements, depuis la dernière période glaciaire : le Würm.

Depuis la gare du téléphérique à 2400m, nous traversons l’étendue verte et bucolique en prenant le temps d’identifier quelques fleurs qui jonchent cette prairie. Anne s’intéresse également à la botanique et à la flore alpine. À flanc de falaise, nous nous asseyons sur les pierres et observons l’ensemble des traces laissées par le passé. Les moraines sont bien visibles, vestiges du passé de certaines périodes glaciaires, et certaines ont disparu avec les différentes glaciations. On peut observer au loin, situé sous le glacier que la pierre est bien visible et paraît extrêmement lisse, c’est un autre exemple qui montre qu’il y a quelques années le glacier s’y trouvait, le moulant à sa forme.

Pourquoi n’y a-t-il pas de forêt sur le plateau d’Emparis ? Depuis le néolithique, cette partie a été adaptée et travaillée. Des forêts étaient présentes auparavant mais l’espace a été aménagé pour l’agriculture. 

Le chevauchement de la Meije

En face de nous, nous observons un phénomène contradictoire : nous pouvons voir du socle cristallin et du socle sédimentaire. Sauf que la roche cristalline (qui est une roche ancienne) est posée sur la roche sédimentaire. On appelle cela une anomalie stratigraphique. C’est une preuve des mouvements tectoniques en période de compression des chaînes de montagne. C’est une zone de charriage ou de chevauchement. Ici, c’est le chevauchement de la Meije. Et avec Anne nous avons pu comprendre ce phénomène.

Les lacs d’altitude 

Nous prenons le départ pour une courte randonnée de 45 minutes jusqu’au Lac de Puy Vachier, situé en dessous de la gare du téléphérique. On observe là-bas un paysage différent, avec beaucoup de pierres. C’est l’occasion d’écouter un petit rappel de la fragilité des lacs d’altitudes et qu’est-ce que nous pouvons faire pour les respecter au mieux. Comme par exemple éviter un maximum d’y plonger son corps badigeonné de crème solaire ou alors de remuer les fonds des lacs qui représentent une biodiversité remarquable.

Cette journée était pour moi une approche différente de la montagne, une vision de celle-ci dans sa composition, avec la présence de relief, de vestiges du passé. Et c’est grâce à toutes ces informations que nous avons acquis une certaine curiosité de comprendre et d’identifier les éléments qui composent les paysages lors de nos randonnées. Anne nous a transmis les clefs de cette compréhension et je me sens maintenant plus curieuse, plus contemplative lorsque je pars randonner. J’ai ressenti également une grande liberté d’expression, avec des échanges sans jugement, où chacun était ouvert à la discussion et à l’écoute. Anne propose régulièrement des randonnées avec des thématiques spécifiques (glaciologie, plantes médicinales, sur les traces des chamois …). 

Renseignez-vous auprès du bureau de La Grave de l’Office de Tourisme des Hautes Vallées ou directement au Bureau des Guides de La Grave.

©Texte et photos par Amandine Balacé


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