Pierre-Louis nous raconte sa montagne

“ On se faisait pulvériser sur les compétitions régionales, mais on était sûrement les plus heureux d’aller skier parce qu’on faisait pas que du piquet, on skiait toute neige et tout terrain ”


Aujourd’hui, on rencontre Pierre-Louis Cret, plus connu sous le nom de Pilou. Enfant du pays, c’est les rues de Villar d’Arène qui l’ont vu grandir.  Fervent protagoniste du club des sports de La Grave, on regroupe plusieurs années d’âge pour avoir une dizaine d’enfants. Ici, “on faisait moins de piquet que dans les grosses stations” beaucoup n’ont d’ailleurs pas intégré la section ski étude au collège, en revanche le ratio de plaisir était décuplé dans une organisation plus souple, plus “freeride”.

La première dans les Vallons

Inspiré par le métier de son papa en tant que guide de haute montagne, c’est dans ses traces que Pilou a choisi de mettre les skis. Depuis petit, il partait skier avec lui et certains de ses clients sur les itinéraires qui lui étaient accessibles.

“Je ne me rappelle pas exactement de ma première descente dans les vallons, je me souviens seulement avoir voulu en faire une deuxième et m’être endormi dans les bennes en remontant”. 

Naturellement, dès l’âge de 20 ans, il s’investit pour passer son diplôme de guide de haute montagne qu’il souhaite exercer… à La Grave !

Sa relation privilégiée avec la montagne

Quand on parle de montagne, on voit son regard pétiller et son corps s’animer. “La montagne c’est mon environnement de prédilection”. Les années et le temps passé, aussi bien hiver qu’été, au milieu des sommets ont enseigné les lois qui incombent à ce milieu sauvage. C’est la montagne qui décide, elle est plus forte que nous. L’éducation dès le plus jeune âge à toujours été faite dans ce sens là, “quand nos parents nous laissaient aller skier tout seul, on avait plusieurs conditions à respecter”. 

Une belle performance au Derby de la Meije

Une performance sur une course aussi mythique “à domicile” change forcément quelque chose dans le quotidien d’un skieur du pays. En 2019, Pilou arrive 2eme scratch au Derby de la Meije. À la suite de ça, ce fût le début des partenariats avec différentes marques. Skier avec des sponsors c’est autre chose, on ne ski plus que pour soi, on apporte une dimension plus médiatiques aux performances. C’est à partir de ce moment-là que notre skieur local s’est inscrit à des compétitions freerides type Qualifiers. Les différentes épreuves ont lieu sur le continent Européen ; la France, l’Italie, la Suisse, l’Autriche mais également dans d’autres pays ; le Japon, la Chine, les USA… Intégrer ce niveau de compétition demande donc énormément d’investissement, autant sur le point personnel que financier. Il faut se libérer, se déplacer, être régulier dans les performances. 

Pour Pierre-Louis cette expérience fût charnière, dans ce format de compétition, il n’y a pas de chronomètre, on ski pour être vu et noté par un jury.

“Je suis beaucoup tombé parce que je voulais skier au dessus de mon niveau, on fait une seule descente dans la journée en s’imposant les critères qui plaisent aux juges, je sentais que je n’avais pas le même degré de plaisir que quand je skiais pour moi ou avec les copains, c’était frustrant”.

L’entrée en formation pour obtenir le diplôme de guide a fini de faire pencher la balance : se blesser n’était pas une option !

Une journée parfaite pour Pilou 

Prendre la première benne “au télé” et faire la première trace c’est bien, mais on peut faire mieux. Ce qui anime le jeune skieur c’est le jeu d’adaptation. Préparer sa journée la veille, prendre en compte tous les paramètres tels que la neige, la météo, le sens du vent, l’orientation des faces, jouer et ajuster ses choix à la nature pour profiter de ce qu’elle a de meilleur à offrir. Rien de plus gratifiant que de transpirer à la montée pour être récompensé par une descente avec toutes les conditions réunies.

On ne l’a pas précisé, mais les journées ont toujours plus de saveurs lorsqu’elles sont partagées avec des personnes chères, alors l’exhausteur de goût pour réussir sa recette du bonheur, c’est une pincée de bons copains (pour la plupart les mêmes depuis le ski club évidemment) !

“Je crois que mon meilleur souvenir c’etait l’hiver du Covid, il n’y avait aucune remontée mécanique, c’était aussi notre premier hiver en coloc, personne ne travaillait, on skiait un maximum, on faisait entre 1000 et 2000 de dénivelé positif par jour. On se levait tôt, on rentrait tôt, on faisait des lignes de dingues jusqu’à la fin de l’hiver. De belles conditions, de la neige qui collait bien en face raides, on a pu faire les Agneaux, le col Clair, la Ginelle, Saint-Antoine, les Pans de Rideaux, le tour de la Meije avec une nuit au Chatelleret en partant directement de la maison et en revenant à la maison, c’était exceptionnel.”

Son itinéraire phare

Après quelques secondes d’hésitation, le choix se porte sur le Combeynot, au col du Lautaret. Sans surprise puisque c’est un sommet qui répond à tous les critères de polyvalence possibles : un départ à 2000m d’altitude pour un enneigement maximum, un accès face nord et une possibilité de basculer en face sud pour trouver de la neige de printemps. La face est plus longue sans être trop engagée, et surtout on se retrouve avec plus de descente que de montée, le choix est vite fait !

Un automne haut en couleur avec deux films sortis !

Le premier a été réalisé par Lange, en suivant l’idée d’un des caméramans de la marque adepte du secteur. Le film a été réalisé en collaboration avec Joe Vallon (figure locale) autour du Y, un couloir mythique et engagé à La Grave. L’objectif est de mettre en lumière la transmission des savoirs de génération en génération, l’esprit de partage propre aux grands skieurs qui n’ont plus leurs preuves à faire. La première fois dans le Y pour Pierre-Louis, et la trentième pour Joe… L’accès au couloir en question est complètement tributaire des conditions d’enneigement, avec le retrait glaciaire et le faible enneigement le couloir devient de plus en plus raide et plus long… On vous laisse regarder le film pour découvrir la suite !

Le second film a été réalisé par Pierre Petit, selon l’idée de Pierre-Louis, dans les entrailles de la haute montagne c’est pas la capitale, c’est la Grave BB. Un film à l’image de la nouvelle génération de “skibum” du canton. Historiquement les ski bum étaient littéralement les “clochards” du ski. Plus globalement des pratiquants obsessionnels de ski (ou du snow) avec un minimum de moyens financiers, en mettant de côté tout le reste, le confort matériel, personnel, familial voir hygiénique si la concession était de vivre l’hiver dans un camion pour pouvoir rester en station.

Aujourd’hui, l’expression a pris une résolution plus souple. Elle s’applique à ceux qui mettent un maximum de choses en œuvre pour skier le plus possible. Pour Pilou et sa bande, ça se traduit par un travail acharné le reste de l’année afin de dégager du temps l’hiver. Un équilibre parfois précaire puisque comme il le souligne justement “pour avoir du confort il faut avoir de l’argent, pour avoir de l’argent il faut travailler, et si tu travailles t’as pas le temps de skier. Et si tu skies t’as pas le temps de travailler.”

Si l’hiver dernier les garçons ont fait le choix de rider toute la saison, au retour des beaux jours, il était temps de reprendre le chemin de leurs activités professionnelles respectives pour renflouer les caisses. Cette année pour le futur guide, une telle liberté n’est pas envisageable, le passage du diplôme coûte cher et il faut des fonds. Le compromis s’est établi avec une activité où il a suffisamment de temps entre midi et deux pour aller faire quelques courbes dans son terrain de jeu favori. 

Bien que les skibums soient l’idée principale du film, c’est une rencontre plus générale avec le village de La Grave et ses habitants qui nous est présentée à travers paysages et événements. Face aux stations de ski qui se modernisent à un rythme effréné en cherchant à attirer toujours plus de chalands, ici on prend le contre pied : un village, un téléphérique, avec tout ce que ça englobe, l’esprit, la proximité, le rythme différent des bars et des commerces locaux, ici pas de quoi sortir en semaine, c’est vendredi ou samedi soir… À la fin du film, on découvre un court aperçu de l’évènement mythique dont nous avons parlé plus haut : le Derby de la Meije. Une course déjantée et freeride où la fête prend autant de place que la course en elle-même. Plusieurs protagonistes du film sont d’ailleurs au cœur de l’organisation et jouent un rôle primordial au bon déroulement du weekend.

Le métier de guide

L’intérêt et la pluridisciplinarité du métier de guide, entre alpinisme, escalade et ski, est qu’il est possible de jongler. Certains itinéraires étaient possibles avant mais ne le sont plus aujourd’hui, une fois de plus il faudra jouer avec le terrain, les conditions, et s’adapter.

Le métier de guide est à multiples facettes mais plus particulièrement pour Pilou, devenir guide c’est expliquer la montagne pour permettre d’appréhender la sécurité, aider à tendre vers l’autonomie mais aussi éduquer et sensibiliser à l’environnement qui nous entoure.

Le meilleur souvenir en montagne

“Je pense que c’est le bivouac au sommet du grand Pic de la Meije, pour le coup ce n’était pas en ski mais en alpi. C’est d’autant plus fort parce que j’ai emmené Tommy et Remy la haut. Leur famille tient le refuge Chancel depuis plus de 30 ans. La Meije, pour nous, fait partie du décor de notre vie, on la voit tous les jours. Pour eux c’était la première fois qu’ils allaient au sommet de la Meije, pour moi la seconde. 

Les conditions étaient dingues, on a eu un coucher et un lever de soleil de folie, on a bu une bière au sommet avec une vue 1000 étoiles. Quand tout s’aligne, que tu vis ce moment exceptionnel, que tu partages l’aventure avec des amis d’enfance, c’est juste unique. On s’en rappellera toute notre vie. Cette ascension, tu peux la faire chaque année, avec des personnes différentes, avec des conditions différentes, tu sais jamais comment ça va se passer, tu ne vivras jamais deux fois la même chose. Pour moi c’est ce qui rend la montagne et les moments qu’on y partage aussi intense.” 

Et en dehors de la montagne, qu’est ce qu’on fait ?

“Je fais du vélo, j’adore ça ! Mais je crois que si je ne fais pas de sport, je fais pas mal la fête, je ne sais pas si ça compte comme une passion. Et si je ne fais pas la fête, je fais de la montagne ! Et j’ai aussi une passion pour les chats !”

Un endroit pour boire un coup 

“Pour moi c’est Chancel, ambiance refuge et convivialité assurées”

One thought on “Pierre-Louis nous raconte sa montagne

  1. Bravo Pierre-Louis pour la réalisation de ta passion!
    Bon prochain Derby, je suppose…
    Je suivrai attentivement tes exploits.
    BIZZZ
    Marie-Claire des Mirettes au Chazelet. (Repeinte en partie grâce à toi)

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